Vue du village (c) C. Cauvin 1999

Aullène / Auddé

village de montagne en Alta Rocca, Corse du Sud



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> Terrier général de la Corse 1769

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[Recensement pour la Corse - 1769 / documents consultables aux Archives nationales à Paris ainsi qu'aux Archives départementales à Bastia et à Ajaccio / extrait du terrier général de la Corse / pièces relatives à la confection du terrier général de la Corse / cote Q1 298-1 des Archives nationales]

Précis sur le terrier général de l'île de Corse


Il y a deux choses à considérer dans le terrier, son objet et son utilité.

Objet du terrier


Le terrier a deux choses pour objets, l'ordre dans les propriétés et la description détaillée et circonstanciée du pays.

L'ordre dans les propriétés établit distinctement l'étendue de chaque province, de chaque pieve, de chaque communauté, et dans chaque communauté ce qui appartient au Roi, aux communes et aux particuliers.

On avait essayé dans le principe de détailler les possessions de chaque particulier, mais leur divisions et subdivisions sont portées à l'infini et la difficulté de reconnaître dans les parties incultes des limites que les propriétaires ignorent eux-mêmes y ont fait renoncer : c'eût été d'ailleurs, un ouvrage trop long, et trop coûteux pour le gouvernement.

La description détaillée et circonstanciée du pays porte sur deux choses, le terrain et les habitants.

Le terrain est envisagé dans chaque canton, chaque communauté, chaque pieve, chaque province, et dans l'île entière, sous tous ses divers points de vue d'administration, d'abord dans les trois grandes classes de propriétaires, le Roi, les communes et les particuliers, avec la quantité d'arpents que possède chacune de ces classes ; ensuite la nature et la qualité de sol, les genres de cultures et de productions actuels, ou possibles, son produit année commune, ce qui est en culture, ou susceptible d'y être, et ce qui n'est propre à rien ; les fontaines, ruisseaux et rivières qui l'arrosent, leur volume d'eau l'été et l'hiver, le parti que l'on en tire ou que l'on en peut tirer pour des moulins ou usines ou pour des arrosages, les cantons qu'ils peuvent arroser, les marais que les ensablements de la mer forment à leur embouchures, les endroits ou l'air en est infecté, les torts qui en résultent pour la culture et la population, et les remèdes à y apporter ; l'état actuel des plantations d'oliviers et de mûriers ; et des remarques sur les règnes animal, végétal et minéral et sur les monuments de l'histoire civile.

Les habitants sont considérés également pour chaque communauté, chaque pieve, chaque province, et pour toute l'île, dans leur nombre et leur occupation : on y joint des observations sur le nombre, l'espèce et la qualité de leurs bestiaux et de leurs troupeaux.

Avec un pareil tableau, le gouvernement connaîtra l'île entière comme un particulier connaît sa maison ; le rapprochement des objets de même espèce sous le même coup d'œil lui donnera la facilité de les régir, comme un laboureur régit sa ferme, son champ.

Utilité du terrier


Dans la description détaillée et circonstanciée que présente le terrier, l'administrateur voit la terre d'où sortent toutes les richesses et les individus qui les tirent de son sein, pour les approprier à nos besoins, bases sur lesquelles doit porter toute son administration.

La Corse est une province malheureuse de temps immémorial ; la guerre, l'anarchie ont été constamment des obstacles à sa prospérité ; c'est un pays dévasté, dépeuplé, qu'il faut régénérer.

Pour travailler en connaissance de cause à sa régénération, il faut d'abord le connaître ; c'est un premier point que remplit le terrier : étant mis en valeur, il doit contribuer aux charges publiques ; ces charges doivent être réparties avec égalité et justice ; c'est un second point.

Régénérer un pays, c'est lui donner toute l'existence dont il est susceptible dans sa population, sa culture et son commerce. Le terrier fait connaître ces trois choses, non seulement dans ce qu'elles ont été et dans ce qu'elles sont, mais encore dans ce qu'elles peuvent devenir.

Jette-t-on les yeux sur la population ? On voit dans chaque district les individus actuellement occupés à la culture, la quantité d'arpents de terrain qu'ils cultivent, celle qui reste à cultiver, et par conséquent le nombre de bras qui manquent pour la mettre en valeur.

Veut-on connaître les endroits les plus convenables à de nouvelles habitations ? Les remarques faites sur chaque canton, relativement à l'air, aux eaux et à la quantité, qualité et nature des terres restées incultes, indiquent ceux qui doivent être préférés.

Est-il question d'élever des fabriques, des manufactures ? On sait où posent les matières propres à être fabriquées, et les lieux les plus propres à ces sortes d'établissement.

Veut-on connaître les causes de la dépopulation d'une province, d'une pieve, d'une communauté ? On voit si elles viennent des guerres, de la stérilité du sol, de la disette, des eaux, ou de l'insalubrité de l'air ; dans ce dernier cas, on sait les travaux à faire pour purifier les eaux infestées, et en gros ce qu'ils pourront coûter.

Porte-t-on ses regards sur la culture ? On voit ce qui est employé actuellement en grains, en vins, en huiles, en soie, en bois, en prairies, en pâturages, et ce qui est en non valeur faute de bras ; les canaux de dessèchement et d'arrosage à ouvrir pour dessécher les terres trop humides et arroser les terres trop sèches.

Veut-on faire des spéculations sur les récoltes ? Sachant le nombre d'arpents cultivés dans chaque genre de production et ce que chaque arpent a pu rendre quantité moyenne, on connaît par approximation le produit total ; ce produit comparé au nombre des habitants de l'île, on connaît leurs besoins ou leur superflu, et dès lors ce qui est à importer ou à exporter.

Est-il question d'ouvrir des débouchés de commerce pour donner une libre circulation aux denrées au dedans et au dehors du pays ? On sait les canaux de navigation à ouvrir, les chemins à pratiquer, les ports à construire ou à réparer, et en gros les dépenses qu'ils occasionneront.

S'agit-il d'exploitation de forêts ? On connaît leur étendue, l'espèce, quantité et qualité des bois, les facilités ou les difficultés de leur extraction, les chemins à ouvrir, les lieux où ils sont les plus praticables et en gros ce qu'ils pourront coûter.

Y a-t-il des districts trop étendus, trop resserrés ou mal arrondis ? On a sous les yeux les arrondissements les plus convenables à leur donner.

Existe-t-il des contestations sur des limites de provinces, de pieve, de communautés ? Les plans des lieux contestés et les dires des parties mettent à même de juger qui a tort ou raison, et dans le doute les limites que la nature elle-même indique.

Le Roi veut-il faire des concessions ? On a une connaissance exacte de l'étendue et de la valeur de ses domaines et tous les renseignements dont on a besoin sur le parti que l'on peut en tirer.

Trouve-t-on des inconvénients à percevoir en nature la subvention ? On a la facilité de la répartir en argent par l'établissement du cadastre ; connaissant la quantité, qualité et nature des terres dont est composée chaque province, chaque pieve, chaque communauté, chaque canton, il ne s'agit plus que d'en établir la valeur par une estimation.

L'estimation faite pour chaque canton : elle s'établit facilement sur les propriétaires, chacun en raison de la part qu'il y possède, et par suite dans chaque communauté, chaque pieve, chaque province, ce qui fixe un ordre invariable dans les propriétés ; cet ordre une fois établit peut facilement se perpétuer par des registres de mutations, ce qui donnerait une filiation, dans les biens fonds, ce qui éteindrait à leur source le plus grand nombre des procès.

Voilà pour la finance. Voici pour la guerre.

S'agit-il de l'administration de la grande police ? On trouve dans le tableau détaillé et circonstancié du pays tout ce qui l'on peut désirer pour établir et faire observer le bon ordre dans toutes les parties.

Est-il question de fortifications ? On connaît celles qui existent et les plans des lieux appuyés de renseignements, mettent à même de juger des points essentiels où il convient d'en établir, pour la plus grande sûreté de l'île.

Veut-on faire d'autres établissements quelconques ? On trouve dans les plans et la description des lieux, tout ce dont on a besoin pour agir en connaissance de cause.

S'agit-il de faire marcher des troupes ? Ayant du pays une connaissance parfaite, on voit les communications d'un lieu à un autre, leurs facilités et leurs difficultés, et s'il y a de la possibilité ou de l'impossibilité à en ouvrir de nouvelles ; les lieux les plus propres aux campements et les ressources que l'on trouve aux environs, particulièrement pour les subsistances et les transports.

Jette-t-on un coup d'œil général sur les places et postes militaires pour juger du bien ou du mal être que les troupes y éprouvent ? On voit celles qui sont ou ne sont pas pourvues d'eaux, qui jouissent ou ne jouissent pas d'un bon air ; on sait s'il y a de la possibilité à conduire des eaux où il en manque, rendre la salubrité où elle n'est pas et les ouvrages et dépenses à faire pour cela ; ce sont des objets de la plus grande considération en Corse, où presque tous les établissements du bord de la mer sont environnés de marais qui les infectent et n'ont de l'eau qu'en petite quantité et d'assez mauvaise qualité ; ces deux causes réunies produisent les effets les plus fâcheux sur les habitants et encore plus particulièrement sur les troupes qui sont moins accoutumées au local et à ses influences ; une bonne partie des soldats languissent dans les hôpitaux moitié de l'année ; plusieurs y périssent, ce qui est une perte inappréciable en hommes et en argent, d'autant plus conséquente qu'elle se répète et se perpétuera tant que l'on n'y apportera pas de remède.

Le Département de la Marine trouve de même que ceux de la finance et de la guerre tout ce qu'il peut désirer.

Veut-il connaître la nature et la qualité des côtes de l'île ? Les plans et la description des lieux lui font voir les parties abordables ou inabordables, les golfes, les ports, les mouillages, ceux qui sont praticables pour telles ou telles espèces de vaisseaux, s'ils sont ou ne sont pas pourvus de bonnes eaux, si l'air y est ou n'est pas malsain, et les ouvrages à faire pour les améliorer.

Porte-t-il ses regards dans l'intérieur du pays ? Le connaissant dans trous ses détails, il voit les ressources qu'il lui offre en hommes de mer, en bois, en fer, etc., et celles qu'il pourrait lui offrir avec le temps, en y faisant ce que la nature des lieux et des choses exige.

Enfin, telle est l'utilité d'une description topographique, pareille à celle que donne le terrier de la Corse, que les divers départements y trouvent généralement toutes les connaissances qui leur sont nécessaires pour régir cette île en parfaite connaissance de cause, sur toutes les parties chacun en ce qui les concerne.

Pour travailler efficacement à sa régénération, il y aurait deux choses essentielles à faire ; la première que la finance, la guerre et la marine s'entendissent pour l'exécution de tous les projets qui les concernent en commun ; la deuxième qu'avant de rien entreprendre, on formât d'après la description des lieux, un plan général des ouvrages de régénération à faire dans toute l'île et que l'on arrêtât l'ordre dans lequel ils s'exécuteront, c'est-à-dire, ceux qui passeront les premiers, les deuxièmes, les troisièmes, les quatrièmes et ainsi du reste. En agissant ainsi, on serait sûr de n'en point faire d'inutiles, ni qui se contrarient dans leur ensemble ; ce serait le véritable moyen de faire, avec le temps, une province intéressante ; toute autre manière ne fera pas arriver si directement au but.